Ils marchent maintenant sur l’îlot d’or, arrivent dans l’espace réservé à Elliott, celui-ci ricane en boucle sur un écran où son image tressaute, son rictus satanique les fait tous tressaillir.
Une horreur pixelisée à jamais, un monde parallèle où est cristallisée l'image d’une souillure. Massod s’approche de l’écran et prononce clairement, et de manière très articulée, les prénoms d’Artz, d’Anto, de Téxia et de Vénia.
Les yeux d’Elliott deviennent blancs. L’air devient glacial. Son visage est encore plus démoniaque avec une bouche horrible et démesurée. Plusieurs voix, dont certaines très aiguës, d’autres graves et caverneuses, prononcent des incantations en diverses langues. L’odeur est nauséabonde, des algues et des plumes apparaissent autour de l’écran.
Le groupe est tétanisé.
L’écran devient noir, puis, ces mots en latin apparaissent :
Videbunt cadavera virorum qui prevaricati sunt in me, vermis eorum non morietur, et ignis eorum non extinguetur, et erunt usque ad satietatem visionis omni carni
Elliott réapparaît. Tous évitent de croiser son regard, comme s’ils craignaient d’être possédés pour l’éternité.
Des images défilent en vrac sur l’écran, il s’agit de certains de ses méfaits connus de tous, comme cette fois là où, enfant, il s’était fait fabriquer une poêle géante pour son anniversaire, avait obtenu l’autorisation de disposer de dix retraités. Avec un esprit pervers précoce, il avait échafaudé une ignominieuse idée...les citoyens sont euphoriques, ils sont enfin arrivés à la retraite et vont connaître un saut qualitatif important dans leur vie. Ils arrivent dans un lieu chatoyant par un moyen ludique, le toboggan, on leur a généreusement fourni des maillots de bain, ils atterrissent sur un espace parfaitement rond ceint par de hautes parois évasées. La surface est enduite de matière grasse, aussi, glissent-ils allongés sur le dos ou sur le ventre sur plusieurs mètres. Les retraités s’en donnent à cœur joie, s’amusent comme jamais, rient comme des gamins. On leur balance des légumes, de gros grains de sel, des épices colorés, ils n’avaient jamais vu ce genre d’aliments...la poêle géante repose sur d’énormes résistances, elle se met à chauffer, Elliott arrive en haut avec un sourire blanc, les retraités ne peuvent remonter, la matière grasse commence à cloquer.
Le visage déformé d’Elliott réapparaît, s’il essaie visiblement de parler, seul un serpent sort de sa bouche puis de l’écran, le groupe entier se replie vers l’arrière, le serpent rampe à une vitesse démente et disparaît.
Sur l’îlot d’or, les âmes stockées s’expriment en même temps, ça grésille, ça hurle, on entend des plaintes, des chuintements, certains et certaines vomissent leurs immondices hors des écrans.
Elliott s’approche
— Qui t’a fait subir l’euthanasie ?
L’écran d’Elliott s’éteint, tout autour, des arbres apparaissent avec des cicatrices purulentes sur les troncs. Leurs branches sont autant de bras décharnés. L’or a disparu pour se transformer en terre appauvrie, grisâtre.
Anto et Téxia roulent au cœur d’un cirque montagneux à perte de vue. Ils y a des vallées au sol d’argile, de sable, puis des terrains plats de sel.
Les montagnes en piles de roches s’élèvent au-dessus des vallées. Leurs versants sont ornés d’arbustes, d’herbes et de cactus. Seuls les pics et arêtes les plus élevés reçoivent assez d’humidité pour alimenter de petites forêts.
Dans ce désert orange écrasé de soleil, ils dévorent l’espace, la route est délicieusement désolée.
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