Soumission de Houellebecq
Barbara Morandini- Messages : 39
Date d'inscription : 28/02/2014
J'aime Houellebecq. J'aime sa fragilité attendrissante, j'aime sa culture, j'aime ses obsessions mélancoliques. J'aime l'idée qu'il puisse être une âme pure et intelligente désorientée dans le monde qui est le nôtre et emprisonnée dans un corps malingre. J'ai l'impression de le connaître et de le comprendre, car, comme peut le dire le protagoniste de son dernier roman:
« Seule la littérature peut vous donner cette sensation de contact avec un autre esprit humain, avec l'intégralité de cet esprit, ses faiblesses et ses grandeurs, ses limitations et ses petitesses, ses idées fixes, ses croyances; avec tout ce qui l'émeut, l'intéresse, l'excite ou le répugne ».
Soumission est sorti le 07 janvier, malencontreux hasard du calendrier ne nous permettant pas de ne pas faire un parallèle entre l'un des thèmes développés dans son roman et l'horrible actualité.
Caractérisé de satire politique, de roman d'anticipation ou encore de politique fiction, Soumission ne peut se réduire à ça. Tous les éléments du décors de sa fiction sont des prétextes à la mise en valeur des maux contemporains.
Dans une France de 2022, François, le protagoniste, est un universitaire quadragénaire spécialiste de Huysmans. Il est désespérément seul, détaché de tout et parfois tenté d'imaginer qu'il n'est pas né à la bonne époque.
Parallèlement à sa molle crise existentielle se mettent en place les classiques et récurrentes élections présidentielles que François ne regarde que de loin, peu intéressé par ce qu'il imagine être sans surprise et sans conséquence.
Mais voilà, le charismatique leader du parti "Fraternité Musulmane", Mohammed Ben Abbes est élu président de la République et tout son environnement va radicalement changer.
Conscient que ces bouleversements ne sont pas justes pour une bonne partie de la population (notamment les femmes), François n'a, malgré tout, jamais été un "combattant" et n'imagine même pas se rebeller. Il reste dans ce Paris métamorphosé sans qu'il s'y sente bien mais sans non plus avoir la nostalgie de ce qu'il fut. Comme il peut le dire à sa jeune maîtresse juive, Myriam, le jour de leurs adieux, il ne part pas de Paris simplement car il n'existe pas d'idéal pour lui, ni ailleurs, ni dans le passé, "Il n'y a pas d'Israël pour moi".
Et puis François rencontre Robert Rediger. Sorte de John Milton dans le film L'associé du Diable (personnage interprété par Al Pacino). Rediger est l'un des marionnettistes de cette France du futur, en charge de la nouvelle Sorbonne.
Page 260, lors d'un entretien, il explique à François en quoi il pourrait être séduit par les préceptes du mouvement "Fraternité Musulmane".
"L'idée renversante et simple, jamais exprimée auparavant avec cette force, que le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue".
Insidieusement François se laisse envoûter par cet argumentaire ciblé, lui, constamment dépassé par l'intendance du quotidien, les différents maux que lui infligent son corps et cette peur tyrannique de mourir seul.
Soumission n'est en aucun cas un essai sur la place de la religion dans la société mais une réflexion sur la lâcheté quotidienne et le périlleux libre arbitre.
Re: Soumission de Houellebecq
Acheté mais pas encore lu (j'ai du retard, y compris le Principe de J.Ferrari).
Ce qui est sûr c'est que les attentats ont brouillé quelque chose concernant la perception de ce livre.
Il est bon que la parole revienne à la lecture.
Ce qui est sûr c'est que les attentats ont brouillé quelque chose concernant la perception de ce livre.
Il est bon que la parole revienne à la lecture.
C'est une critique qui rejoint sur le fond certaines critiques nuancées sur ce livre. D'autres critiques, comme celles des bons esprits de canal + et autres, avaient vraisemblablement sans l'avoir lu vomi dessus; le fameux PADAMALGAM n'avait visiblement pas sens - donc, comparaison devenant raison, il était comparé au Suicide Français de Zemmour, il était traité de monstre islamphobe - les censeurs sponsorisés avaient tranché en faisant une fois encore l'économie d'analyses argumentées et de confrontation avec avis divergents - le genre de débats qui n'existent plus du tout...
Barbara, votre analyse sensible et claire me donne sincèrement envie de lire ce livre. J'aime ce que vous dites de cet accès à tout l'autre que donne la littérature, comme la visite d'un cerveau- témoin.
Pareil pour moi , votre critique m'a donné envie de lire ce livre.
Après Soumission j'ai eu la bonne idée d'attaquer les œuvres de Truman Capote. Gallimard a sorti une édition complète (de 1500 pages, mi ne morgu...)
Étant légèrement psychorigide je m'impose de le terminer avant d'attaquer Le Principe, mais je pense ne pas pouvoir attendre.
Je suis très contente que ce billet ait donné l'envie de lire ce roman. Vous l'avez compris c'est évidement très subjectif. Pour les quelques autres réticents (et bien que ce ne soit pas le blog adéquat pour en parler), j'ai oublié de vous dire que le protagoniste est un grand adepte de sodomie ;-)
Étant légèrement psychorigide je m'impose de le terminer avant d'attaquer Le Principe, mais je pense ne pas pouvoir attendre.
Je suis très contente que ce billet ait donné l'envie de lire ce roman. Vous l'avez compris c'est évidement très subjectif. Pour les quelques autres réticents (et bien que ce ne soit pas le blog adéquat pour en parler), j'ai oublié de vous dire que le protagoniste est un grand adepte de sodomie ;-)
Je n'ai pas lu Soumission et n'ai jamais été tentée de lire l'oeuvre de Houellebecq, sans doute parce que Les particules élémentaires dont le style ne m'accrochait pas m'était tombé des mains, et que - raison peu glorieuse ! - l'image de cet auteur médiatisé est pour moi répulsive.
Mais à vous lire, je me dis que je jetterai un oeil sur Soumission (quand il sera sorti en poche)...
En attendant je vous signale un lien vers une très intéressante analyse : http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2015/01/30/michel-houellebecq-precis-de-decomposition-3035970.html
Dernière édition par Emmanuelle Caminade le Mer 11 Mar - 11:23, édité 1 fois
Mais à vous lire, je me dis que je jetterai un oeil sur Soumission (quand il sera sorti en poche)...
En attendant je vous signale un lien vers une très intéressante analyse : http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2015/01/30/michel-houellebecq-precis-de-decomposition-3035970.html
Dernière édition par Emmanuelle Caminade le Mer 11 Mar - 11:23, édité 1 fois
Extension du Domaine de la lutte, puis plus tard Les Particules élémentaires, sont deux livres qui ont compté pour moi. C'est les livres suivants qui moi m'étaient tombés des mains. Mais depuis des lecteurs m'ont fait part de leurs avis positifs concernant les livres que je n'avais pas réussi à lire, notamment la Carte et le Territoire. Je me dis donc qu'une lecture, même tardive, ne serait pas inutile. Il y a sans doute matière à réviser un jugement qui, comme pour vous Emmanuelle, a été un peu troublé par les différentes ruées médiatiques. Et puis un type qui a décidé de se barrer pour vivre en Irlande à un moment donné ne peut pas ne pas m'intéresser.
Je dois avouer que je n'ai pas été aussi séduit par La carte et le territoire que je l'aurais voulu. Un roman sur la cartographie, voilà, m'étais-je dit, un sujet original, par conséquent m'intéresserait. Ce qui s'est avéré dans la début du récit. J'ai bien aimé aussi la convocation d'un pseudo auteur Michel Houellebecq dans le roman, créant à la fois proximité (avec lui ; on espère entrer quelque peu dans sa vie privée) et distance (la présence de l'auteur - même sous forme fictive, à la troisième personne, créant bien sûr une distanciation).
Cependant le roman perd de la vitesse par la suite et finalement il n'en reste pas grand chose qui puisse me nourrir.
Cependant le roman perd de la vitesse par la suite et finalement il n'en reste pas grand chose qui puisse me nourrir.