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Atelier littéraire


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    Sundance (Stefanu Cesari)

    Marco B
    Marco B
    Admin

    Messages : 422
    Date d'inscription : 30/01/2013
    27022014

    Sundance (Stefanu Cesari) Empty Sundance (Stefanu Cesari)

    Message par Marco B

    Extrait d'une pièce de théâtre pour deux personnages et un absent.

    Lieu : chambre à coucher.
    Temps : La nuit.

    Un homme, de passage.
    Une femme, qui le reçoit.

    Un sac postal en jute, entre eux.


    Ce texte part d'un récit d'Alberto Manguel. Il y raconte son adolescence en Argentine. La disparition de ses camarades, la violence de la dictature. Les mères découvrant sur le palier, dans des sacs postaux, leurs enfants morts, méconnaissables. Les corps jetés en mer par des avions volant à basse altitude. Ce texte voudrait dire, sans récit. Ce texte voudrait
    donner vie
    si possible


    Sundance (Stefanu Cesari) Chaim-10


    Monologues de la Femme (extraits)


    Ici c'est
    une fragile maison de papier dans la brûlure du printemps. C'est le milieu de la vie
    si tu viens tu connaîtras une femme debout encore dans sa jeunesse, déjà sous les yeux la trace d'un ancien feu.
    Sais-tu que nos pas écrivent toujours quelque chose, c'est cette histoire que l'on raconte à ceux qui nous accueillent, c'est le prix de la nuit. Il faut s'en acquitter. Je voudrais que tu t'invites à rester, que tu laisses s'installer malgré tout la chaleur, cette folie battante que tu portes au poignet.

    Plus on s'aventure, plus on peine
    à revenir sous l'ombre de la main tendue. Dehors un silence totalitaire rôde, il voudrait saisir tout l'envers du pays, ceux qui habitent dans le tissu, le temps est compté. On entend la corne, qui se rapproche, derrière les façades des maisons.

    Tu sais quelques instants suffisent pour la mise au point. La moindre douleur localisée dans le corps. Quelques instants suffisent pour ne plus oublier la matière, ne plus s'oublier.

    Dehors, c'est depuis longtemps, l'heure des livraisons, des sacs de jute mouvants et tachés de noir. C'est l'heure des portes fermées, ouvertes, fermées, on devine
    l'intérieur des camions frigorifiques
    la boucherie


    il faut
    jeter la tête loin
    de côté
    pour ouvrir le rideau, percevoir la chair sous le tissu.
    Ce que l'on dirait n'a en soi aucune importance.
    Un tremblement dans les ovaires remplace l'élan, souligne la portée, si menue, le geste indéfini qui voudrait rassembler
    les morceaux, qui aime encore.

    Le monde existe, il y a cette fille aux vêtements couleur chair il y a le vieil homme, de quoi parlent-ils ? Leurs propos se perdent dans la circulation du sang, prennent une direction que l'on écoute plus. À droite, vers la droite, deux mots pas plus pour nous étreindre dans la langue maternelle, dans les visages rasés de frais. une langue pour les dimanches matin, les courses de chevaux, une langue en attente devant l'étal d'une quincaillerie, les listes de mariage anciennes. Au bord de la route les cendres. Pas une langue pour crier sans personne qui réponde

    il y aura là rassemblés beaucoup de choses sans nom encore et encore, l'herbe coupée pleine d'insectes, les petits soldats, l'odeur du sang qui colle aux mains, aux pages des livres du fils,
    ce sera jour férié ce jour-là devant la porte, il pleuvra sur nos restes de peau,
    et l'odeur du corps sous la toile, l'orage


    Nous n'avons pas été à l'école. Ici il n'y avait pas de livres. mon fils
    c'est l'invention d'une histoire, il voulait sans cesse y retourner, répétant sans fin, comme une longue phrase folle Ma mère, que j'aime beaucoup, m'a donné tout. J'aimerai cette bonne mère ma vie entière, elle m'a soigné tout petit. on me l'a dit, Elle m'a appris à marcher pas à pas, tenant mon bras: à dire un mot, puis à tout même à sourire une histoire de rien, il aura fallu l'inventer à mesure qu'il grandissait, le silence n'existait pas, les poussins devenaient oiseaux pour redevenir
    poussins, un battement du corps permettait toutes les métamorphoses

    en ce temps-là
    le pays était toujours habitable, on pouvait choisir.
    devenir ce qu'on voulait, avant comme après
    la vie
    les noms des gens ne disparaissaient pas en haute mer.

    J'ai reconnu ses os si fins, cassés.


    (s'adressant à l'homme)

    Viens, c'est une surprise la fraîcheur d'un parfum
    la poussière et les empreintes nous collent au corps, on appelle
    la langue pour lécher

    viens, le mot compagnon
    s'est écrit de lui-même sur ta peau
    je ramasserai après toi entre les pages, dans les interstices
    tout
    ongles, brisures, cheveux noirs qui sont la ramification du noir, ils rempliront le sac pour
    une nouvelle naissance

    je ne la remettrai pas en cause, je n'écouterai pas les paroles contraires. non

    Rassemble tes forces passe, la porte de mon ventre, chasse l'eau de tes poumons
    tu sauras me trouver. et ça n'est pas la fin, tu viendras après l'heure tardive.
    Tes paroles innocentes couvriront les autres
    celles qui témoignent sur toi du poids des pierres, dans une maison à la porte tirée, sur le dallage.

    oui

    Je suis folle, folle, folle, je suis folle, mais que tout soit lisible empêcherait ta venue.
    Rien ne servirait dans la forme, rien dans l'écriture, qui furent condamnation en leur temps.
    Sous la langue le mot pardon se défait, il se mêle à la salive,
    les cheveux mouillés tombent sur les yeux, nuit d'arbres serrés les uns contre les autres,
    nuit verticale
    nous séparant.

    Apprends par cœur l'indicible de l'huile dans l'eau, et passe, sans faire montre d'aucun savoir
    sauf celui de la première heure, juste, sois doux sous la main, comme avant,
    et il n'y aura pas de faute comme il n'y en a pas eu, c'est là, la promesse
    enfin,
    tu pourras t'endormir après, d'un effort si long

    je ferai entrer les os de l'enfant dans l'enclos
    ils répondront à la chanson
    du berger
    à l'étoile

    le souffle reviendra par les talons
    l'eau inversera sa course

    il suffirait d'un mot, d'une éjaculation pour que tu naisses



    sans lumière ni guide tu avances sur le chemin des métamorphoses.



    La naissance, sais-tu, de quelqu'un sous le ciel, elle est unique. Tu peux le dire, rien ne te sera ôté. N'as tu pas déjà entendu le cri de l'enfant ? Pas celui de la perte, pas celui de la souffrance, l'autre, celui qui est rond et qui enserre la mère comme une seule voyelle qui serait « o ».
    le cri de l'enfant c'est la nudité pure, sans la perte, le cri de l'enfant est nu.
    Il est blanc, c'est un halo de lumière qui passe, une note très haute qui demeure dans l'air, prononcée pour toujours

    les poussins après la poule après la main, tenant le grain
    tant à donner du tablier plein, on peut mélanger, si on veut hier
    avec aujourd'hui

    plus loin, un jeune homme regarde par la fenêtre périlleuse, et quelques fois la barre dure de son sexe. Aujourd'hui il oublie les désirs de l'enfance. Le fleuve qui s'attarde entres morts et vivants a une odeur fermentée, de vase verte en longs filaments sur les rochers. Les allers-retours sont un hasard, et tout passe. Une odeur de coquillages pourris.
    Au crépuscule il est comme toi, tant de bêtes et le velours plié des corbeaux qui passent haut lui voilent le regard, le font plus vague, presque
    déjà
    mort



    (le fils fantôme parle)


    « oui je veux voir le fond du fleuve, je veux voir si cela s'ouvre, si cela surgit et fleurit de ce coté-ci, et viendra ou ne viendra pas mais dont je sens tous les efforts, et peut-être cette fois n'est ce que la mort.

    La mort est un mot.

    La mort est une chose, elle est un corps poétique qui respire sur le lieu de ma naissance. »

    (A. Pizarnik)


    Etienne Cesari


    Illustration : Chaïm Soutine, Femme assise (1922).
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